dimanche 1 décembre 2013

Stop aux idées reçues sur le Sida


Avec 2,3 millions de nouvelles contaminations en 2012, le Sida demeure un fléau mondial qui a tué 1,6 millions de personnes dans le monde l'an dernier d'après l'association Aides. En France, le nombre de personnes découvrant leur séropositivité reste stable depuis 2007 et s'établit à 6372 individus en 2012 selon l'Institut national de veille sanitaire, alors qu'il avait baissé de 15 % entre 2004 et 2007. Face à ce constat, il est important de faire le point sur cette maladie encore taboue et banalisée depuis l'arrivée de la trithérapie.


Aujourd'hui, on peut vivre avec le sida dans les pays du nord.

Vrai et faux.

Même si depuis l'arrivée de la trithérapie en 1996, la recherche a progressé permettant l'apparition de médicaments plus efficaces et mieux tolérés par les patients, des effets secondaires persistent pour certaines personnes. En outre, aujourd'hui encore un grand nombre de malades se fait dépister tardivement. Le virus a donc eu le temps de se développer et de fragiliser l'organisme. En effet, environ 15 % des personnes* découvrent leur séropositivité au stade sida, c’est-à-dire que le VIH (virus de l'immunodéficience humaine) a rendu inopérant le système immunitaire provoquant ainsi le sida.

Il est vrai cependant qu’on vit mieux avec cette maladie que dans les années 80-90 et que l'espérance de vie des séropositifs tend à rejoindre celle de la population générale quand on est dépisté et traité tôt. Certains professionnels de santé n’hésitent d’ailleurs plus à parler du sida comme d’une maladie chronique au même titre que le diabète. Effectivement, la nouvelle génération de trithérapie a diminué le risque d’effets secondaires, tels que la diarrhée et la perte de poids, et ce traitement est moins lourd qu’auparavant. Depuis l’arrivée de l’Atripla, associant trois antirétroviraux, dans l’Hexagone en 2009, les malades n’ont plus qu’un cachet à prendre par jour au lieu d’une vingtaine il y a quelques années.

Néanmoins, 300 personnes* meurent encore du sida chaque année en France depuis 2007.
Il ne s'agit donc pas d'une maladie anodine.

Le sida ne concerne plus que les pays africains…

Faux.

Même si l’Afrique subsaharienne demeure la région du monde la plus touchée par l’épidémie, puisqu’elle rassemble 69 % des 35,3 millions de personnes vivant avec le VIH dans le monde, le nombre de nouvelles contaminations a baissé de 25 % depuis 2001 et la mortalité aurait diminué de 32 % de 2005 à 2011 dans cette région. Cela s’explique d’une part grâce à l’augmentation du dépistage, qui est passé par exemple de 2,3 à 20 millions de personnes en Afrique du sud en trois ans, et à la généralisation du traitement antirétroviral, dont 7 millions de malades bénéficient à présent alors qu’ils en étaient toujours privés en 2002. Cela ne représente néanmoins que 56 % des personnes qui devraient y avoir accès.**

En dépit de ces progrès dans le continent africain, la contamination explose dans des régions proches de chez nous. En effet, le nombre de personnes séropositives a augmenté de 250 % en Europe de l’Est et en Asie centrale entre 2001 et 2011 selon l’Onusida.

Les chiffres sont plus rassurants dans l’Union européenne, où la progression de nouveaux cas est de moins de 1 %, soit 29 000 personnes.**
Près de la moitié des dépistages a eu lieu cependant à un stade avancé. D’ailleurs, en France, 30 000 personnes ignorent encore qu’elles sont séropositives. Elles seraient en outre responsables de 60 % des nouvelles contaminations chaque année selon l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale). D’où la nécessité de se faire dépister à la moindre prise de risque. D’autant plus que dans notre pays il sera possible de le faire directement chez soi à partir de l’année prochaine à l’aide d’un test salivaire ou sanguin vendu en pharmacie. En attendant, vous pouvez vous rendre dans un centre de dépistage anonyme et gratuit, au centre de planning familial pour vous faire dépister ou conseiller, ou encore demander une prescription à votre médecin afin d’effectuer une prise de sang dans un laboratoire d’analyse. Vous avez aussi la possibilité de faire un test rapide de 30 minutes au sein d’associations de lutte contre le VIH telles que Sidaction, Aides, Crips ou Corevih.

et les homosexuels dans les pays du Nord.

Faux.

En France, 58 % des nouvelles contaminations ont eu lieu lors de rapports hétérosexuels en 2012 selon l’Institut de veille sanitaire. Néanmoins, la majorité de celles-ci concerne les personnes nées à l’étranger, notamment en Afrique subsaharienne dans 75 % des cas.

Cependant, la prévalence du VIH est forte parmi les homosexuels, puisqu’on estime qu’un homosexuel sur cinq est porteur du virus. Il s’agit de la seule catégorie de la population où les nouvelles contaminations augmentent depuis 2003. Cela représente 2676 personnes sur les 6372 personnes séropositives en 2012 dans l'Hexagone. La banalisation de cette maladie et l’amélioration des traitements entraînent par ailleurs une hausse des attitudes à risque et la baisse de l’utilisation du préservatif dans l’ensemble de la population. Ceci est plus visible chez les homosexuels en raison de l’importance du VIH dans ce groupe et d’un dépistage plus fréquents chez eux que chez les hétérosexuels. Effectivement, ils sont 32 % à le demander contre 18 % pour ces derniers.

Le sida est une maladie contagieuse.

Faux.

Le VIH ne se transmet que par voie sanguine, lors de rapports sexuels non protégés, ou de la mère à l’enfant lorsque celle-ci ne suit pas de traitement (avec un traitement, le risque passe de 20 % à moins de 1 %). Effectivement, ce virus est présent dans le sang, le sperme, le liquide pré-séminal présent avant l’éjaculation, les sécrétions vaginales de la femme et le lait maternel.

Embrasser, serrer la main d’un séropositif ou boire dans son verre ne vous exposent donc à aucun risque, car le VIH ne se transmet pas par la salive ni par l’air. De même, on ne peut pas l’attraper en allant aux toilettes, à la piscine ou en se faisant piquer par un moustique.

Par contre, ne partagez pas votre brosse à dents à cause de la présence éventuelle de sang. Si vous vous faites un piercing ou un tatouage, veillez à ce que le matériel utilisé soit stérilisé et que les aiguilles soient à usage unique. En outre, si vous vous droguez, utilisez des seringues et aiguilles neuves et jetables. Ne les échangez pas avec quelqu’un d’autre.

Avec le VIH, on peut dire adieu à toute vie sentimentale et à tous projets d'avenir.

Faux.

Être séropositif ne signifie pas finir sa vie seul. On peut avoir le VIH tout en ayant une vie amoureuse et sexuelle épanouie. Grâce aux traitements antirétroviraux, une personne séropositive peut avoir une charge virale indétectable, c’est-à-dire que le virus est en quantité trop faible dans le sang pour être détecté (en dessous de 40 à 50 copies de virus par millilitres de sang). Le VIH est certes toujours présent, mais moins actif dans sa réplication. Il permet ainsi à notre système immunitaire de se reconstruire et donc d’être en meilleure santé. En outre, le risque de transmission est fortement réduit. Selon l’essai clinique américain de 2011 (HPTN 052) effectué sur des couples hétérosexuels stables, la réduction de ce risque est de 96 %.
Pour Aides, les couples sérodiscordants (l’un est séropositif et l’autre est séronégatif) pourraient même envisager de ne plus utiliser le préservatif à condition que la charge virale soit indétectable depuis au moins six mois, qu’il y ait pas ou peu d’oubli de médicaments et qu’on soit atteint d’aucune autre maladie sexuellement transmissible (chlamydia, syphilis, hépatite B ou herpès génital). Si ces trois conditions sont réunies, le risque de transmission serait quasi nul selon l’association qui s’appuie sur le rapport Yeni de 2010. Dans ce dernier, les experts français l’estimait à 1/10 000.
Néanmoins, il est important de rappeler que le risque zéro n’existe pas et que cette décision personnelle des deux partenaires doit être encadrée par un suivi médical régulier. Le meilleur moyen de protection demeure toujours le préservatif.

De plus, les personnes séropositives, que ce soit l’homme ou la femme, peuvent à présent avoir un enfant sans lui transmettre le VIH ou contaminer son partenaire.

Si la femme est séropositive et a une charge virale indétectable, elle peut décider avec son partenaire et avec l’aide de leur médecin d’avoir des rapports sexuels non protégés pendant les périodes d’ovulation. L’insémination artificielle est aussi une possibilité pour éliminer tout risque de transmission à son conjoint.
En outre, elle devra suivre un traitement antirétroviral soit avant d’être enceinte soit avant la fin de son premier trimestre afin de maintenir une charge virale faible. Lors de son accouchement, des antirétroviraux lui sont administrés. Dans certains cas, une césarienne est nécessaire, même si cet acte n’est plus systématique. Son bébé doit également être sous traitement les premières semaines et elle ne pourra pas l’allaiter, puisque le lait maternel est un vecteur du VIH. Si toutes ces précautions sont prises, le risque de transmission de cette maladie est alors inférieur à 1 %.

Si l’homme est séropositif et a une charge virale indétectable, le rapport sexuel sans préservatif peut également être un choix. Cependant, celui-ci est un peu plus risqué, car le VIH est davantage présent dans le sperme que dans les sécrétions vaginales. Le risque de transmission est de 5 %. Il existe toutefois une technique pour l’éviter. Elle consiste à séparer le liquide séminal, qui contient le VIH, des spermatozoïdes.

Dans le cas d’un couple dont les deux partenaires sont séropositifs, la procréation médicalement assistée dans des centres spécialisés est une solution envisageable en cas de crainte de contamination.

La fellation n’est pas un rapport à risque.

Faux.

La fellation avec et même sans éjaculation est risquée. Même si l’éjaculation est un facteur à risque plus important, le liquide pré-orgasmique présent bien avant l’éjaculation peut aussi transmettre le VIH.
Selon l’étude américaine du Center of Diseases Control and Prevention effectuée sur 102 homosexuels et bisexuels, la fellation est responsable de 7,8 % des contaminations.
Par ailleurs, d’autres maladies sexuellement transmissibles sont facilement attrapées lors de rapports oraux-génitaux non-protégés. C’est le cas de l’hépatite B, dont le risque est de 100 % si l’on n’est pas vacciné, de la syphilis, des gonorrhées, de l’herpès ou des chlamydiae.
En outre, il est déconseillé de se brosser les dents avant et après, car cela peut fragiliser les gencives et provoquer des plaies. Il est également préférable de se rincer la bouche à l’eau et non avec des produits chimiques à base d’alcool qui irritent les muqueuses et éliminent les bactéries qui pourraient lutter contre le VIH.

De même, les autres rapports bucco-génitaux (cunnilingus ou anulingus) ne sont pas sans risque. Les sécrétions vaginales et le sang des règles peuvent transmettre la maladie du sida. Le mieux est d’utiliser un préservatif féminin ou une digue dentaire (un carré de latex vendu en pharmacie, dans des sex-shops ou dans des centres de prévention).

Deux capotes valent mieux qu’une.

Faux.

Une seule est suffisante et recommandée. La superposition de deux préservatifs diminue la résistance du latex et augmente le risque de déchirure. De plus, utilisez un lubrifiant vendu en pharmacie ou en magasin et non un autre produit (huile ou beurre...).

Par contre, il est vrai que deux protections valent mieux qu’une. La pilule associée au préservatif vous permettra d’éviter les risques liés à la rupture de ce dernier ou à l’oubli d’une prise.

 Le sida est une maladie visible sur le visage des personnes séropositives.

Faux.

Grâce à l’amélioration des nouveaux traitements, les effets secondaires sont moins fréquents et moins nombreux. On vit donc plus longtemps et en meilleure santé avec le VIH. La trithérapie diminuerait de près de 70 % les infections opportunistes telles que la tuberculose et le passage de la maladie au stade sida. Les médicaments seraient d’ailleurs efficaces dans 85 à 90 % des cas de nos jours, contre 55 à 60 % dans les années 1990. Toutefois, d’autres problèmes peuvent apparaître comme des maladies cardio-vasculaires ou respiratoires, le cholestérol, le diabète et l’ostéoporose. Mais, on ne sait pas à l’heure actuelle si cela est dû aux effets secondaires de la trithérapie.

Cependant, même si les traitements permettent de mieux vivre avec le VIH, aucun ne permet à ce jour d’en guérir.

* Chiffres donnés par l’association Aides.
** Données de l’Onusida.

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