Avec 2,3 millions de nouvelles contaminations en 2012, le Sida demeure un fléau mondial qui a tué 1,6 millions de personnes dans le monde l'an dernier d'après l'association Aides. En France, le nombre de personnes découvrant leur séropositivité reste stable depuis 2007 et s'établit à 6372 individus en 2012 selon l'Institut national de veille sanitaire, alors qu'il avait baissé de 15 % entre 2004 et 2007. Face à ce constat, il est important de faire le point sur cette maladie encore taboue et banalisée depuis l'arrivée de la trithérapie.
Aujourd'hui, on peut vivre avec le sida dans les pays du
nord.
Vrai et faux.
Même si depuis l'arrivée de la trithérapie en 1996, la
recherche a progressé permettant l'apparition de médicaments plus efficaces et
mieux tolérés par les patients, des effets secondaires persistent pour
certaines personnes. En outre, aujourd'hui encore un grand nombre de
malades se fait dépister tardivement. Le virus a donc eu le temps de se développer
et de fragiliser l'organisme. En effet, environ 15 % des personnes* découvrent
leur séropositivité au stade sida, c’est-à-dire que le VIH (virus de
l'immunodéficience humaine) a rendu inopérant le système immunitaire provoquant
ainsi le sida.
Il est vrai cependant qu’on vit mieux avec cette maladie que
dans les années 80-90 et que l'espérance de vie des séropositifs tend à
rejoindre celle de la population générale quand on est dépisté et traité tôt.
Certains professionnels de santé n’hésitent d’ailleurs plus à parler du sida
comme d’une maladie chronique au même titre que le diabète. Effectivement, la
nouvelle génération de trithérapie a diminué le risque d’effets secondaires,
tels que la diarrhée et la perte de poids, et ce traitement est moins lourd
qu’auparavant. Depuis l’arrivée de l’Atripla, associant trois antirétroviraux, dans
l’Hexagone en 2009, les malades n’ont plus qu’un cachet à prendre par jour au
lieu d’une vingtaine il y a quelques années.
Néanmoins, 300 personnes* meurent encore du sida chaque
année en France depuis 2007.
Il ne s'agit donc pas d'une maladie anodine.
Le sida ne concerne plus que les pays africains…
Faux.
Même si l’Afrique subsaharienne demeure la région du monde
la plus touchée par l’épidémie, puisqu’elle rassemble 69 % des 35,3 millions de
personnes vivant avec le VIH dans le monde, le nombre de nouvelles contaminations a baissé de
25 % depuis 2001 et la mortalité aurait diminué de 32 % de 2005 à 2011 dans cette région. Cela
s’explique d’une part grâce à l’augmentation du dépistage, qui est passé par exemple de 2,3 à
20 millions de personnes en Afrique du sud en trois ans, et à la généralisation du traitement
antirétroviral, dont 7 millions de malades bénéficient à présent alors qu’ils
en étaient toujours privés en 2002. Cela ne représente néanmoins que 56 % des
personnes qui devraient y avoir accès.**
En dépit de ces progrès dans le continent africain, la
contamination explose dans des régions proches de chez nous. En effet, le
nombre de personnes séropositives a augmenté de 250 % en Europe de l’Est et en
Asie centrale entre 2001 et 2011 selon l’Onusida.
Les chiffres sont plus rassurants dans l’Union européenne,
où la progression de nouveaux cas est de moins de 1 %, soit 29 000
personnes.**
Près de la moitié des dépistages a eu lieu cependant à un
stade avancé. D’ailleurs, en France, 30 000 personnes ignorent encore
qu’elles sont séropositives. Elles seraient en outre responsables de 60 % des
nouvelles contaminations chaque année selon l’Inserm (Institut national
de la santé et de la recherche médicale). D’où la
nécessité de se faire dépister à la moindre prise de risque. D’autant plus que dans notre pays il sera possible de le faire directement chez soi à partir de l’année
prochaine à l’aide d’un test salivaire ou sanguin vendu en pharmacie. En
attendant, vous pouvez vous rendre dans un centre de dépistage anonyme et gratuit, au centre de planning
familial pour vous faire dépister ou conseiller, ou encore demander une
prescription à votre médecin afin d’effectuer une prise de sang dans un
laboratoire d’analyse. Vous avez aussi la possibilité de faire un test rapide de
30 minutes au sein d’associations de lutte contre le VIH telles que Sidaction, Aides, Crips ou Corevih.
… et les homosexuels dans les pays du Nord.
Faux.
En
France, 58 % des nouvelles contaminations ont eu lieu lors de rapports
hétérosexuels en 2012 selon l’Institut de veille sanitaire. Néanmoins, la
majorité de celles-ci concerne les personnes nées à l’étranger, notamment en
Afrique subsaharienne dans 75 % des cas.
Cependant,
la prévalence du VIH est forte parmi les homosexuels, puisqu’on estime qu’un
homosexuel sur cinq est porteur du virus. Il s’agit de la seule catégorie de la
population où les nouvelles contaminations augmentent depuis 2003. Cela
représente 2676 personnes sur les 6372 personnes séropositives en 2012 dans l'Hexagone. La
banalisation de cette maladie et l’amélioration des traitements entraînent par
ailleurs une hausse des attitudes à risque et la baisse de l’utilisation du
préservatif dans l’ensemble de la population. Ceci est plus visible chez les
homosexuels en raison de l’importance du VIH dans ce groupe et d’un dépistage
plus fréquents chez eux que chez les hétérosexuels. Effectivement, ils sont 32
% à le demander contre 18 % pour ces derniers.
Le sida est une
maladie contagieuse.
Faux.
Le
VIH ne se transmet que par voie sanguine, lors de rapports sexuels non
protégés, ou de la mère à l’enfant lorsque celle-ci ne suit pas de traitement (avec un
traitement, le risque passe de 20 % à moins de 1 %). Effectivement, ce virus est présent
dans le sang, le sperme, le liquide pré-séminal présent avant l’éjaculation,
les sécrétions vaginales de la femme et le lait maternel.
Embrasser, serrer la main d’un
séropositif ou boire dans son verre ne vous exposent donc à aucun risque, car le VIH ne se transmet pas par la salive ni
par l’air. De même, on ne peut pas l’attraper en allant aux toilettes, à la
piscine ou en se faisant piquer par un moustique.
Par contre, ne partagez
pas votre brosse à dents à cause de la présence éventuelle de sang. Si vous
vous faites un piercing ou un tatouage, veillez à ce que le matériel utilisé
soit stérilisé et que les aiguilles soient à usage unique. En outre, si vous
vous droguez, utilisez des seringues et aiguilles neuves et jetables. Ne les
échangez pas avec quelqu’un d’autre.
Avec
le VIH, on peut dire adieu à toute vie sentimentale et à tous projets d'avenir.
Faux.
Être séropositif ne
signifie pas finir sa vie seul. On peut avoir le VIH tout en ayant une vie
amoureuse et sexuelle épanouie. Grâce aux traitements antirétroviraux, une
personne séropositive peut avoir une charge virale indétectable, c’est-à-dire
que le virus est en quantité trop faible dans le sang pour être détecté (en
dessous de 40 à 50 copies de virus par millilitres de sang). Le VIH est certes
toujours présent, mais moins actif dans sa réplication. Il permet ainsi à notre système immunitaire de se reconstruire et donc d’être en meilleure santé.
En outre, le risque de transmission est fortement réduit. Selon l’essai clinique
américain de 2011 (HPTN 052) effectué sur des couples hétérosexuels stables, la
réduction de ce risque est de 96 %.
Pour Aides, les couples
sérodiscordants (l’un est séropositif et l’autre est séronégatif) pourraient
même envisager de ne plus utiliser le préservatif à condition que la charge
virale soit indétectable depuis au moins six mois, qu’il y ait pas ou peu d’oubli
de médicaments et qu’on soit atteint d’aucune autre maladie sexuellement transmissible
(chlamydia, syphilis, hépatite B ou herpès génital). Si ces trois
conditions sont réunies, le risque de transmission serait quasi nul selon l’association
qui s’appuie sur le rapport Yeni de 2010. Dans ce dernier, les experts français
l’estimait à 1/10 000.
Néanmoins, il est
important de rappeler que le risque zéro n’existe pas et que cette décision
personnelle des deux partenaires doit être encadrée par un suivi médical
régulier. Le meilleur moyen de
protection demeure toujours le préservatif.
De
plus, les personnes séropositives, que ce soit l’homme ou la femme, peuvent à
présent avoir un enfant sans lui transmettre le VIH ou contaminer son
partenaire.
Si
la femme est séropositive et a une charge virale indétectable, elle peut
décider avec son partenaire et avec l’aide de leur médecin d’avoir des rapports
sexuels non protégés pendant les périodes d’ovulation. L’insémination
artificielle est aussi une possibilité pour éliminer tout risque de
transmission à son conjoint.
En
outre, elle devra suivre un traitement antirétroviral soit avant d’être
enceinte soit avant la fin de son premier trimestre afin de maintenir une
charge virale faible. Lors de son accouchement, des antirétroviraux lui sont
administrés. Dans certains cas, une césarienne est nécessaire, même si cet acte
n’est plus systématique. Son bébé doit également être sous traitement les
premières semaines et elle ne pourra pas l’allaiter, puisque le lait maternel
est un vecteur du VIH. Si toutes ces précautions sont prises, le risque de
transmission de cette maladie est alors inférieur à 1 %.
Si
l’homme est séropositif et a une charge virale indétectable, le rapport sexuel
sans préservatif peut également être un choix. Cependant, celui-ci est un peu plus
risqué, car le VIH est davantage présent dans le sperme que dans les sécrétions
vaginales. Le risque de transmission est de 5 %. Il existe toutefois une
technique pour l’éviter. Elle consiste à séparer le liquide séminal, qui
contient le VIH, des spermatozoïdes.
Dans
le cas d’un couple dont les deux partenaires sont séropositifs, la procréation
médicalement assistée dans des centres spécialisés est une solution
envisageable en cas de crainte de contamination.
La fellation n’est
pas un rapport à risque.
Faux.
La
fellation avec et même sans éjaculation est risquée. Même si l’éjaculation est
un facteur à risque plus important, le liquide pré-orgasmique présent bien avant
l’éjaculation peut aussi transmettre le VIH.
Selon
l’étude américaine du Center of Diseases Control and Prevention effectuée sur
102 homosexuels et bisexuels, la fellation est responsable de 7,8 % des
contaminations.
Par
ailleurs, d’autres maladies sexuellement transmissibles sont facilement
attrapées lors de rapports oraux-génitaux non-protégés. C’est le cas de l’hépatite
B, dont le risque est de 100 % si l’on n’est pas vacciné, de la syphilis, des gonorrhées, de l’herpès ou des chlamydiae.
En
outre, il est déconseillé de se brosser les dents avant et après, car cela peut
fragiliser les gencives et provoquer des plaies. Il est également préférable de
se rincer la bouche à l’eau et non avec des produits chimiques à base d’alcool
qui irritent les muqueuses et éliminent les bactéries qui pourraient lutter
contre le VIH.
De
même, les autres rapports bucco-génitaux (cunnilingus ou anulingus) ne sont pas
sans risque. Les sécrétions vaginales et le sang des règles peuvent transmettre
la maladie du sida. Le mieux est d’utiliser un préservatif féminin ou une digue
dentaire (un carré de latex vendu en pharmacie, dans des sex-shops ou dans des
centres de prévention).
Deux capotes
valent mieux qu’une.
Faux.
Une
seule est suffisante et recommandée. La superposition de deux préservatifs
diminue la résistance du latex et augmente le risque de déchirure. De plus,
utilisez un lubrifiant vendu en pharmacie ou en magasin et non un autre produit
(huile ou beurre...).
Par contre, il
est vrai que deux protections valent mieux qu’une. La pilule associée
au préservatif vous permettra d’éviter les risques liés à la rupture de ce
dernier ou à l’oubli d’une prise.
Le sida
est une maladie visible sur le visage des personnes séropositives.
Faux.
Grâce
à l’amélioration des nouveaux traitements, les effets secondaires sont moins
fréquents et moins nombreux. On vit donc plus longtemps et en meilleure santé
avec le VIH. La trithérapie diminuerait de près de 70 % les infections
opportunistes telles que la tuberculose et le passage de la maladie au stade
sida. Les médicaments seraient d’ailleurs efficaces dans 85 à 90 % des cas de
nos jours, contre 55 à 60 % dans les années 1990. Toutefois, d’autres problèmes
peuvent apparaître comme des maladies cardio-vasculaires ou respiratoires, le
cholestérol, le diabète et l’ostéoporose. Mais,
on ne sait pas à l’heure actuelle si cela est dû aux effets secondaires de la
trithérapie.
Cependant, même
si les traitements permettent de mieux vivre avec le VIH, aucun ne permet à ce
jour d’en guérir.
*
Chiffres donnés par l’association Aides.
**
Données de l’Onusida.
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