L’autisme est une maladie mal connue. Face à l’inaction des pouvoirs publics, les familles se retrouvent souvent seules, confrontées à ce handicap. C’est le cas de Karina, maman d’un enfant autiste de 8 ans et de deux autres enfants. Elle nous livre son témoignage.
L’autisme, selon l’association Léa pour Samy*, est «une maladie neurologique qui altère, sous des formes plus ou moins graves, les capacités de reconnaissance des expressions, des codes sociaux et affectifs. Elle génère une hypersensibilité émotionnelle et des troubles du comportement». Elle touche 400 000 personnes dans notre pays et concerne 3 millions de Français. On estime qu’un enfant sur 150 naît avec cette maladie. Karina, qui dirige l’antenne départementale des Yvelines de cette association, est mère d’un enfant autiste de 8 ans, Rodrigue (au centre sur la photo). Elle s’est confiée à la rédaction de Restons en Forme et nous parle de son combat quotidien contre la maladie.
Restons en Forme : Comment se manifeste cette maladie chez Rodrigue ?
Karina : Par un retard de langage partiellement comblé, des difficultés de communication, des défauts d’attention, des troubles du sommeil, une hyper sélectivité alimentaire, une intolérance sévère au gluten et au lait, des problèmes pour comprendre les relations sociales entre ses pairs et des intérêts restreints. Il a aussi des difficultés d’abstraction, une tendance à fuguer et une incapacité à percevoir le danger. En classe, Rodrigue n’arrive pas à décoder le langage, voire les consignes verbales, sans une aide adaptée. De ce fait, il a des problèmes de compréhension générant des troubles du comportement. Il ne perçoit pas non plus les intentions derrière les actions des autres. De plus, il n’a pas la faculté de faire certaines choses, même s’il en a envie. Cela entraîne des frustrations et une altération comportementale. Il a également du mal à se concentrer, car il ne perçoit pas l’intérêt direct de l’apprentissage.
REF : Quelles sont ses relations avec son frère et sa sœur ?
Karina : Il a des relations normales. Il joue à la bagarre, à chat ou au ballon avec son frère de 12 ans. Il s’entend aussi très bien avec sa sœur de 6 ans. Néanmoins, il a mis deux ans à accepter de regarder, de toucher ou de parler à sa sœur, lorsqu’elle est née.
REF : Quand avez-vous su que votre enfant était autiste ?
Karina : Il avait 4 ans quand son pédopsychiatre m’a dit qu’il ne parlerait jamais et qu’il finirait ses jours à l’hôpital psychiatrique. J’ai voulu avoir un diagnostic, mais on m’a affirmé que c’était une psychose infantile. Ils m’avaient même déconseillé de faire des examens cliniques à l’hôpital, car je risquais de le traumatiser. Pour eux, les troubles de mon fils étaient dus à notre relation fusionnelle. J’ai alors cherché des informations sur Internet. J’ai fait mon diagnostic et il a été confirmé à l’hôpital Robert Debré, la veille de ses 6 ans.
REF : Quelle décision avez-vous alors prise pour sa scolarité ?
Karina : C’est avant tout un enfant et il a droit d’aller à l’école mais aussi de vivre dans cette société au même titre que mes autres enfants. Cependant, pour changer les mentalités, c’est autre chose. Dans la première école, il se retrouvait régulièrement seul à déambuler dans la rue à 3 ans ! Lorsqu’il a eu 4 ans, l’école m’a dit que c’était à mon fils de s’adapter. Or, il n’avait été accepté que quelques heures par semaine. La première chose qu’on vous propose quand vous parlez de différence, c’est l’exclusion.
REF : Avez-vous décidé de le laisser à l’école ?
Karina : Je l’ai changé d’établissement depuis. Il va à l’école à mi-temps avec une aide éducatrice. Le reste du temps, il suit un traitement comportemental et éducatif à domicile, parce que l’école ne veut pas l’accepter à temps complet en raison de sa « fatigabilité ». Pourtant, son pédopsychiatre et son psychologue recommandent une scolarité adaptée à temps plein. En réalité, ce n’est pas son handicap qui est en cause, mais la capacité du système scolaire français à mettre à disposition des enfants autistes un personnel formé et compétent.
REF : Comment sa maladie a-t-elle évolué au fil des années ?
Karina : Favorablement grâce à une rééducation intensive. On est passé d’un autisme profond et d’un enfant mutique à des troubles plus légers lui permettant de suivre avec succès une scolarité et de s’ouvrir aux autres.
REF : Recevez-vous des aides de l’État ?
Karina : Je viens de me battre pendant huit mois pour obtenir la catégorie 6 de l’allocation enfant handicapé, dont le montant est de 900 euros par mois. Cependant, nos dépenses pour ses soins s’élèvent à plus de 2 000 euros par mois.
REF : Qu’attendez-vous du gouvernement sachant que Nicolas Sarkozy a prôné le droit à la différence au sein de l’école ?
Karina : Je veux qu’on traite mon enfant avec respect, en prenant en compte ses difficultés avec un personnel compétent, afin qu’il ait accès à l’éducation comme tout le monde. Le problème, c’est qu’entre une déclaration politique affichée et la réalité du terrain, il y a un gouffre. Les mentalités ne changent que très lentement. Tant que les parents n’auront pas une voie de recours rapide et efficace, ce ne seront que des mots.
REF : Que pensez-vous de la prise en charge des enfants autistes et handicapés par le système scolaire français ?
Karina : Elle est inappropriée en raison du manque de formation et de professionnalisation des auxiliaires de vie scolaire. La scolarisation de certains enfants court même à l’échec. En outre, on fait porter la responsabilité de cet échec sur l’enfant qui n’a pas su s’adapter à cause de son handicap. Les professionnels ne sont jamais remis en cause.
REF : Les centres sont-ils une bonne solution ?
Karina : Peu de structures à l’heure actuelle sont réellement adaptées à l’autisme, et celles qui le sont le doivent à la ténacité des associations de parents. Mais elles ont une longue liste d’attente. Pourquoi discriminer les enfants en les envoyant dans des centres ? Pourquoi ne pas leur permettre de recevoir une éducation structurée qui leur convienne au sein de leur famille, leur quartier, leur école, comme pour les enfants sans handicap? Il faut tout faire pour que les enfants restent près de leur famille ! Certes, beaucoup d’enfants ont des handicaps plus lourds, et il faudrait prévoir plus d’aménagements. En matière d’autisme, certains pays ont montré qu’avec un réel traitement éducatif effectué de manière précoce, on pouvait faire progresser énormément les personnes vers l’autonomie. Mais, je pense tout de même qu’il faudrait s’occuper des autistes en les intégrant le plus possible. Les parents doivent également avoir le choix pour leur enfant autiste, comme ils l’ont pour leurs autres enfants sans handicap.
Pour en savoir plus :
* Léa pour Samy – La voix de l’enfant autiste est une association qui agit pour la défense, la protection et l’intégration des enfants atteints d’autisme et de leur famille.
Renseignements : www.leapoursamy.com.
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