vendredi 20 septembre 2013

« La trisomie 21 est une maladie orpheline »

Chaque année en France, 350 enfants naissent avec cette maladie. À l’occasion de la Journée Nationale de la trisomie 21, le 18 novembre, Restons en Forme fait le point sur les recherches et le dépistage de cette anomalie génétique avec le docteur Henri Bléhaut.

La trisomie 21 est une maladie génétique encore mal connue du grand public. Le principal facteur de risque est l’âge de la mère. À 25 ans, il est 1 pour 1 500, à 40 ans de 1 pour 100. Aujourd’hui, le dépistage par amniocentèse est conseillé quand la mère a plus de 38 ans. D’où le débat sur les éventuelles dérives. Henri Bléhaut, directeur de la recherche à l’Institut Jérôme Lejeune, nous éclaire sur la situation actuelle ainsi que sur les principales avancées de la recherche et de la prise en charge de cette maladie.

Restons en Forme : À quel mois peut-on diagnostiquer la trisomie 21 chez le fœtus ?

Henri Bléhaut : Vers environ quinze semaines de grossesse. Néanmoins, il faut distinguer le dépistage du diagnostic. Le dépistage pratiqué à l’aide de marqueurs sériques permet de donner des probabilités. Une femme dépistée positive a un risque supérieur à 1/250 d’avoir réellement un enfant trisomique. Le dépistage est intéressant sur le plan des statistiques, mais peut créer des inquiétudes supplémentaires pour les parents. Le diagnostic, lui, est effectué grâce à une amniocentèse et permet de donner un résultat définitif. Cette pratique n’est pourtant pas sans risque, puisqu’elle peut entraîner des complications : cela aboutit, dans 1 % des cas, à une interruption de grossesse, qui peut toucher par conséquent des enfants tout à fait normaux.

REF : Que pensez-vous du débat actuel sur l’eugénisme ?

H. B : Aujourd’hui, l’avortement après diagnostic d’enfant trisomique s’élève à 95 % en France. Il pose évidemment un problème, puisqu’il s’agit d’une sélection à partir d’un critère génétique. Le handicap est mal vécu en France. Cela est différent dans les sociétés africaines par exemple ou chez nos voisins européens. Ainsi, les pays d’Europe nordique ont une politique d’aide aux familles ayant des enfants handicapés plus développée. En France, il y a une pression très forte sur les mères pour qu’elles avortent lorsque le diagnostic est positif. Un sénateur a même proposé de couper les allocations perçues par les mères d’enfant trisomique, si elles étaient déjà au courant du handicap pendant leur grossesse. En outre, selon la loi française, un médecin peut aller en prison s’il exerce des pressions pour qu’une mère garde son enfant handicapé, alors que, dans le cas contraire, il ne risque rien.

REF : Pensez-vous qu’on devrait limiter les dépistages systématiques de trisomie 21 ?

H. B. : Le dépistage par marqueurs sériques ne devrait pas exister. Il y a des moyens beaucoup plus fiables et donc moins stressants pour les parents de dépister les risques de trisomie 21. Effectivement, l’échographie est un moyen plus sûr pour voir si un enfant est atteint de trisomie ou pas.

REF : Quels sont les progrès effectués concernant la prise en charge et la connaissance de cette maladie ?

H. B. : La prise en charge des personnes trisomiques est meilleure qu’il y a trente ou quarante ans, mais la recherche concernant le traitement spécifique est assez récente et très pauvre. Pour l’instant, elle n’est pratiquée que sur des animaux. On connaît pas mal de choses sur la trisomie 21, mais il y a peu de recherches menées dans le but de la traiter. Or, rien ne montre que l’on ne puisse pas la traiter. Il s’agit en fait d’une maladie orpheline dans le sens où il existe très peu de recherches mises en œuvre pour la traiter alors qu’elle est assez fréquente.

REF : Le financement alloué par l’Etat est-il suffisant pour la recherche ?

H. B. : Le financement au niveau du dépistage est trop élevé, mais il n’y en a aucun pour le traitement de la trisomie 21. Cependant, un projet au niveau européen a été mis en place récemment pour une meilleure connaissance de ce type de maladie. Il s’agit de l’AnEUploidy, projet auquel nous collaborons. Douze millions d’euros sont consacrés à ce programme de recherche qui concerne essentiellement la trisomie 21 et d’autres maladies chromosomiques.

Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site de l’Institut Jérôme Lejeune : www.fondationlejeune.org.

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