dimanche 22 septembre 2013

Le sida, une maladie que je dois vivre en silence

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Être séropositif aujourd’hui est encore synonyme d’exclusion sociale et de peur. Lilian, 32 ans, a accepté de nous raconter comment il vit sa maladie au quotidien…

En France, 150 000 personnes sont porteuses du VIH et 40 000 personnes seraient infectées sans le savoir. Il est donc important d’agir et de se protéger contre ce fléau. Au quotidien, accepter sa maladie, l’annoncer aux autres et gérer les traitements n’est pas une chose facile. C’est ce que nous raconte Lilian.

« J’avais 30 ans quand j’ai découvert que j’étais atteint du sida. J’avais décidé, en août 2005, de faire un test avec mon partenaire, car notre relation durait depuis cinq mois et nous voulions arrêter d’utiliser le préservatif. Quand j’ai eu les premiers résultats, j’ai pensé que c’était une erreur. Je me suis ensuite demandé comment cela était possible, car je croyais m’être toujours protégé.
Les premiers jours, j’étais très détaché, comme si cela n’arrivait pas à moi. Je n’ai pas versé une larme et je suis allé consulter un médecin spécialiste. Il a fallu attendre encore une semaine pour être sûr du résultat. La peur s’est alors abattue sur moi. J’ai réalisé que j’avais une maladie mortelle. J’ai fait une dépression. J’étais persuadé que j’allais mourir. Pourtant, une partie de moi voulait déjà se battre, car j’ai réalisé que j’aimais la vie et que j’étais certainement privé d’un avenir que tout le monde imagine comme dû : vieillir, vivre avec quelqu’un, avoir des enfants peut-être un jour… J’étais convaincu que mon ami allait me quitter, que j’allais être un poids pour lui. J’étais devenu vulnérable. Mon corps était mon ennemi.

« Je me suis senti condamné »

J’ai dû mener un combat permanent pour ne pas perdre pied et faire bonne figure devant tout le monde. Personne ne devait savoir que j’avais le VIH. La première personne qui l’a su a été mon partenaire, car c’était pour lui que j’avais fait le test. Il m’a dit que cela ne faisait aucune différence, qu’il m’aimait et serait là pour moi. Ses paroles m’ont rassuré. Mais il avait peur pour moi. Je l’ai vu pleurer. C’est à ce moment précis que je me suis senti condamné. Mais j’ai ensuite rencontré d’autres personnes séropositives sur des forums. Elles m’ont rapidement redonné de l’espoir.
Je l’ai donc annoncé à mes meilleurs amis, à ma sœur, à mes tantes, ceux en qui j’avais confiance et que j’estimais tolérants. Mes amis et mes tantes ont très bien réagi. Ils ne m’ont renvoyé que de l’amour et de l’admiration. Puis ils ont commencé à me surprotéger et à me demander constamment comment j’allais. J’ai vite remis les pendules à l’heure. Je ne voulais aucun changement d’attitude. J’ai alors compris qu’ils ne connaissaient pas grand chose de la maladie, comme moi au moment où je l’ai appris. J’ai donc tout expliqué : les modes de contamination, mon espérance de vie qui est finalement indéterminée et plus ou moins longue grâce à la trithérapie… Ma maladie est ensuite devenue un truc banal. On en parle de temps en temps quand je vais passer des examens.
Au boulot, j’en ai parlé à quelques collègues. Ils n’ont jamais changé leurs comportements. Au contraire, ils me voient aujourd’hui comme une espèce de héros, car je bosse toujours autant, et même avec plus d’acharnement. Je ne veux pas que la maladie prenne le dessus et m’empêche de vivre comme avant. Je suis devenu le confident. Je crois qu’en me parlant, ils relativisent leurs problèmes. Cela les rassure de voir que je peux vivre comme n’importe qui, malgré ma maladie et les effets secondaires des traitements.

« Cet état devient la normalité, ma normalité »

Il est vrai que les nouveaux médicaments sont de moins en moins nocifs et qu’ils nous permettent de vivre presque normalement. D’ailleurs, le traitement que je suis actuellement me convient bien, contrairement au premier qui m’a rendu malade pendant plusieurs semaines. Ses effets secondaires n’apparaissent qu’une heure après la prise, mais comme je vais dormir, je ne m’en rends pas compte. Ils se traduisent par des sensations de vertige, des bouffées de chaleur et une perte d’équilibre. On s’y habitue très vite. Cet état devient la normalité, ma normalité.
La plupart du temps, j’oublie la maladie. J’en ai conscience quand je suis extrêmement fatigué. C’est injuste qu’on ne puisse pas en parler à tout le monde normalement, qu’on soit obligé de le cacher, parce que c’est une maladie que les gens trouvent sale. Un malade du cancer est un héros qui se bat contre la maladie. Moi, je dois la vivre en silence. Mon entourage ne se rend pas compte des moments de fatigue. Pour l’instant, le virus est indétectable dans mon sang, grâce aux médicaments. Heureusement, ils sont remboursés par la Sécurité sociale. Ma plus grande peur est qu’un jour elle arrête de le faire et que je ne puisse plus me soigner à cause de leur coût prohibitif, soit 859 euros par mois. Personnellement, je pense que l’Etat devrait davantage prendre en charge les malades après le résultat du test. On ne sait rien de la maladie en fait, quelles sont les démarches à suivre, quels sont les différents modes de contamination… Par ailleurs, il devrait faire une campagne d’information où l’on ne stigmatise pas les malades. Elle devrait être axée sur le fait qu’on peut vivre avec une personne séropositive et qu’il est important de se protéger, parce qu’on aime l’autre et parce qu’on s’aime et non parce qu’on a peur. »

  Propos recueillis par Jennifer Brohan.

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